Au mois de mai, SYNIGL avait alerté sur les risques d’exaspération du conflit entre l’ICCN et les pygmées au tour du Parc National de Kahuzi Biega

Le mardi 11 juin à Bitale, un staff Synigl a eu une série d’échanges avec des membres des communautés bantous et Pygmées en vue de s’acquérir de l’évolution d’un conflit qui menace dangereusement aussi bien les vies humaines que la vie de cette aire protégée qu’est le Parc national de Kahuzi Biega.

Des membres du Comité Local de Protection (LPC) et des responsables des familles pygmées interrogées ont peint un tableau qui s’assombrit davantage :

  1. Un essaie des solutions infructueuses
  • Une rencontre, en recherche des solutions, a eu lieu en avril entre les représentants des Pygmées et les autorités de l’Institut Congolaise pour la conservation de la nature (ICCN). Au sortir de la rencontre, les pygmées non convaincus auraient déchiré la copie du document contenant les engagements et les solutions discutés à l’issue de la rencontre. Un sabotage flagrant des promesses qu’ils considèrent fallacieuses et auxquelles ils disent ne plus croire ! En conséquence ils ont décidé une réinstallation et une exploitation systématique et sans pitié d’un parc qu’ils estiment être leur propriété privée arrachée injustement par les pouvoir à travers l’ICCN. Abattage illimité d’arbres, braconnage difficile à contenir par l’ICCN sont au rendez-vous. Désormais les pygmées associeraient des bantous à ces activités pour montrer à l’opinion qu’il s’agit  maintenant plutôt d’une guerre Pygmées et alliés Bantous contre l’ICCN. Pendant ce temps, d’autres membres de la communauté bantous disent être pris au piège. Dans la difficulté pour l’ICCN de distinguer actuellement les produits issus d’une exploitation illégale du Parc des produits en provenance des domaines privés de Bantous, il se mettrait à arrêtés des personnes et à saisir des biens qui viendraient plutôt de leurs propriétés privées ! Cela fâche et crée davantage des remous !

«  … Chaque fois que nous voulons évacuer les planches et nos sacs des braises exploitées légalement de nos bois, ils s’interposent, nous arrêtent et nous ravissent nos produits…ils disent que nous sommes complice de l’exploitation illégale faite par les pygmées… ils veulent en profiter seulement pour nous appauvrir et jouir à notre place de notre richesse. S’ils veulent la guerre avec tout le monde alors qu’ils continuent à nous faire du mal…. »

  • Au début du mois de Juin, un mandat d’arrêt serait lancé par le parquet de Bukavu contre Mr Kasole, le représentant des pygmées vivant à Kalonge et qui serait en train de vivre en clandestinité depuis lors. En revanche, une marche pacifique pour demander l’annulation par le parquet dudit mandant était programmée par les Pygmée pour le 23 juin 2019 à Kalonge. A travers cette marche, les peuples Autochtone (Pygmées) voulait, en même temps, introduire une plainte contre l’ICCN pour le meurtre de leur frère Matabishi Masumbuko, tué par les éco-gardes en date du 23 avril 2019 à Kalonge.

Mais le 13 juin pendant qu’ils étaient en pleine préparation de leur marche, les pygmées vivant dans le camp Bujoka à Garashomwa, vers Biega sur la limite entre Kalehe et Kabare, avaient été attaqués par les éco-gardes  venus de KASIRUSIRU. Ces gardes auraient tiré à balles réelles sur le peuple pygmée. Un pygmée, Mr Mudekereza Shamavu a  été grièvement blessé tandis que les autres Pascal, Gervais, Burhalike Budanga, Kulimushi Mupenda, Rwamikundu, Murama, Nyamirhere et Nyamuluka avaient été conduits à une destination inconnue par lesdits Gardes. Les maisons des pygmées avaient été sérieusement détruites et pillées.

Le 20 juin, la marche a quand même eu lieu. Elle est partie du Centre Mumoga à Kalonge via le centre d’encadrement administratif de Cifuzi et a fait son point de chute à la PNC  de Kalonge. Les Pygmées ont déposé leur Memo aux autorités locales du centre d’encadrement administratif et de la police nationale congolaise(PNC) mais ils se plaignent du fait que jusqu’à ce jour, ils n’ont reçu aucun feedback. Toutes les parties vivent dans la suspicion et la méfiance réciproque !

Les individus Pygmées enlevés par les gardiens du Parc  le 14 juin n’avaient été relâchés que trois jours après(le 17). Mais leur membre gravement blessé n’a quitté l’hôpital qu’il y a seulement trois jours, avec des blessures qui doivent continuer à être soignées en ambulatoire ! Ce mois de juillet connait une certaine mais trop fragile accalmie !

  1. Fil de discorde

Notre précédant article l’explique d’avantage, le PNKB (Parc National de Kahuzi Biega) est la source de ce conflit entre ICCN et le peuple pygmée (https://synigl.org/blog/de-linjustice-et-de-la-marginalisation-a-la-haine-de-la-haine-et-la-guerre/). L’ICCN se dit être dans le devoir de protéger ce magnifique patrimoine mondial alors que le peuple Pygmée, lui, le revendique. Le parc serait l’environnement adapté à leur mode de vie, hérité de leurs ancêtres. Ce conflit s’étend actuellement au peuple bantou au regard des plusieurs abus qui seraient causés par les pygmées aux biens des bantous. Face aux hectares des terres du Parc que les pouvoirs avaient ravis aux Pygmées pour de raison de conservation, ces derniers exigent : une autre terre, la construction de leurs logements, des facilitations pour leur intégration socio-économique, la considération et même la représentativité dans les espaces de prise des décisions à tous les niveaux !

Les pygmées pensent que l’ICCN ne respecte pas ses engagements en guise de concession (disponibiliser une autre terre pour les pygmées, construire leur logement, faciliter leur intégration socio-économique, les considérer et agir dans le sens à ne pas les déconnecter de leurs racines culturelles ect)

  1. Pourquoi la réponse devient urgente et impérieuse

La cohésion pacifique entre les parties prenantes est totalement menacée et son impact négatif se dessine déjà et sur l’objet du conflit (PNKB), et sur les communautés. Déjà il y a eu des morts, des blessés graves, du kidnapping, du braconnage de grande envergure, de l’exploitation illégale du bois et des minerais dans le pacs par les Pygmées en complicité avec des individus de la communauté bantou ; une réinstallation des Pygmées dans le domaine du Parc etc.

Attention : les pygmées (Bambuti) seraient actuellement en train de sensibiliser leurs communautés rependues dans tous les coins riverains du PNKB (Kalonge, Bitale, Miti, Kavumu, katana etc. de s’apprêter à se réinstaller massivement dans le PNKB selon un mot d’ordre qui sera donné incessamment.   En attendant, la réinstallation,  l’exploitation illégale du bois, des minerais et le braconnage par les pygmées en complicité avec certains bantous continuent progressent à grands pas !

L’Histoire de la RDC, même encore la plus récente, a des traces encore très chaudes de la tristesse laissée par une très mauvaise gestion des conflits entre les Pygmées, les services de l’Etat et les autres communautés ! A titre illustratif, le conflit entre les Pygmées et les Lubas dans la Province du Tanganyika vers la fin de 2016 avaient enregistré au moins 400.000 déplacés malgré un gigantesque déploiement de l’armée dans la localité de Manono. Ils revendiquaient jouir des mêmes droits que leurs voisins bantous, être représentés au parlement, avoir l’accès à la terre, n’être plus harcelés par des taxes coutumières. Un peu  avant juillet 2016, la mort d’un chef coutumier Pygmée dans la localité de Manono avait justifié un red qui a tué 40 personnes et fait une centaine des blessés[1] ! Alors qu’entre juillet et la fin de la même année, Monusco (radio Okapi) avait rapporté 150 morts malgré les menaces du Gouverneur Kitangala à arrêter tous les instigateurs qui incitaient les gens à la Haine et à la tuerie !

NB : Un comportement responsable des pouvoirs en RDC, des toutes les parties prenantes aux conflits entre les Pygmées, les bantous et l’ICCN au Sud-Kivu peut nous éviter le pire. Dans notre Pays, malgré les signes qui ne trompent pas de survenance d’un grand risque, les pouvoirs attendent parfois qu’arrive le pire pour enfin agir trop tard. Synigl avait alerté sur le contexte des alentours du Parc toujours écumé des groupes armés. Kalonge est le carrefour de rencontre des groupes armés, les armes circulent et n’importe qui peut profiter de l’opportunité qu’offre une telle situation pour faire n’importe quoi ! L’Alerte est au maximum !

  1. Quelles recommandations ?

Les essaies des solutions jusques là imaginées sont demeurés très chancelants ! Avant la fin de 2018, il avait été  demandé à Mwami Kabare de suggérer à l’Etat des espaces disponibles pour  délocaliser les Pygmées,… Mais il s’agit là d’une solution à laquelle il n’a pas encore répondu et  qui ne prend, certainement pas, en compte certaines dimensions importantes du conflit. Les délocaliser sur un terrain, à lui seul, ne suffit pas ! Le Mwami, que les Pygmées considère juge et partie au vue de sa position avec les pouvoirs et en tant que protecteur des intérêts du peuple bantou ne peut qu’être débordé par un tel conflit. Sa bonne foi nécessite une conjugaison d’autres efforts. Il faut un autre regard !

  • Dans un premier temps:
  • l’ICCN doit se garder des gestes provocateurs et privilégier davantage le dialogue
  • le Mwami, en plus du besoin d’une délocalisation soutenue, devra soutenir les efforts visant à encourager la collaboration et la cohésion sociale entre les Pygmées et les bantous. Il pourrait assurer une conjonction entre les Pygmées et l’ICCN en même temps.
  • Les pouvoirs publics et particulièrement les ministères qui ont la protection de l’environnement, les affaires intérieures doivent s’engager activement et de manière concrète dans la résolution du conflit Pygmées-Bantous-ICCN. Notre vie dépend de la protection de l’Ecosystème du PNKB mais il sera difficile de l’assurer si des réponses alternatives et efficaces ne sont pas fournies aux demandes légitimes des Pygmées et des communautés au tour du Parc.
  • De manière pérenne:
  • Il faut un programme holistique et musclé d’activités d’accompagnement et d’éducation des communautés qui doit inclure des actions spécifiques en faveurs des Pygmées. Il faut un travail harassant capable d’opérer des changements significatifs sur les mentalités et les comportements aussi bien des peuples pygmées que des leurs voisin bantous. La réussite d’un tel programme devrait amener ces communautés à devenir dans l’avenir les meilleurs gardiens de cette aire protégée.
  • Il faut une analyse concertée, participative capable des ressortir clairement les besoins au tour du conflit, les causes profondes et leurs conséquences présentes et futures. Elle devra amener à des propositions concrètes des solutions durables. Le conflit sur le PNKB perdure par le fait qu’on le survole, on l’attaque en surface et personne n’a jusques là osé l’aborder dans ses profondeurs !
  • Dans la recherche de solution, on ne tient pas encore jusque-là compte de la nécessité à ne pas complètement déconnecter les pygmées des aspects importants de leur réalité, des leurs valeurs culturelles. On veut opérer des mutations brusques qui aboutissent à des frustrations. Il est nécessaire d’innover et de penser à des approches qui les rencontrent dans leur «  moi » si l’on se veut être efficace. Rapidement, de petits forums des dialogues francs entre les parties prenantes devaient déjà commencer à circonscrire la pensée.

Bukavu, le 11 juillet 2019

 

[1] Reportage à Manono par Sonia Rolley pour la RFI  le 21 janvier 2017